La saison musicale 20-21 au Wiener Staatsoper

Réunion au sommet. C'est cette expression toute faite qui vient à l'esprit en parcourant les productions présentées par l'Opéra de Vienne en 2020-2021... si Covid 19 le permet... Espérons-le vivement ! Wagner, Verdi, Puccini, Strauss, Mozart, Tchaïkovski, Rossini, Offenbach, Massenet, Dvorak, Bizet, Monteverdi, Gounod, Donizetti, et pour les audaces Henze sont au rendez-vous.

Et pour honorer ces compositeurs, la fine fleur, l'éclatante fleur du chant international : Kaufmann, Alagna, Beczala, Florez, Castronovo, Nikitin, Schager, Vogt chez les ténors, Schrott, Tézier, Salsi, Domingo, Zeppenfeld, Abdrazakov, Groissböck, Pertusi pour les clés de fa ; du coté des dames, Anna Netrebko, Elina Garança, Anita Rachvelishvili, Sabine Devieilhe, Kate Lindsay, Anna Pirozzi, Sonya Yoncheva, Anja Harteros, Alexandra Kurzak, Nicole Car, Krassimira Stoyanova, Kristine Opolais, Malin Byström, Lise Davidsen, Pretty Yende, Camilla Nylund, Martina Serafin . Le casting (non exhaustif) impressionne Les chefs ne dérogent pas à l'attente d'excellence : Philippe Jordan directeur musical de l'institution autrichienne se taille la part du du lion (Wagner, Puccini, Verdi, Strauss, Mozart), mais il laissera le prestigieux pupitre à Pablo Heras-Casado, Bertrand de Billy, Simone Young, Evelino Pido, Adam Fischer, Franz Welser-Möst, Christian Thielemann pour ne citer qu’eux…

Beaucoup des productions annoncées comme nouvelles ne le sont qu'à Vienne où elles sont en effet présentées pour la première fois. Mais il s'agit là de réalisations souvent remarquables, comme la Butterfly d'Anthony Minghella, une des plus émouvantes qui aient été.

Saison idéale pour Vienne, le printemps. Et celui de 2021 promet l'éclosion de la fête lyrique. L'événement de la saison (lyrique cette fois) débutera le 1 avril avec un Parsifal qui aligne une distribution éblouissante : Jonas Kaufmann sera Parsifal, Ludovic Tézier Amfortas, Georg Zeppenfled Gurnemanz et Elina Garança Kundry (prise de rôle très attendue), sous la direction de Philippe Jordan, dans une mise en scène de Kirill Serebrennikov, le metteur en scène et cinéaste russe (réalisateur en 2018 du fulgurant Leto) inventif, en perpétuelle recherche dramaturgique, proposant des échanges fructueux entre toutes les formes d'art. On se rappelle son étonnant Outside au Festival d'Avignon 2019. A la baguette, comme il se doit, le chef maison. Ce Parsifal s'impose comme une priorité.

Avril sera décidément un mois faste pour Wagner. Un grand chef à mes yeux, Adam Fischer dirigera la reprise d'une Walkyrie qui réunit un prodigieux quatuor vocal, : Andréas Schager en Siegmund, Gunter Groissbock en Wotan, Camilla Nylund en Sieglinde, Martina Serafin en Brünnhilde. La régie est confiée à l'acteur, metteur en scène et réalisateur allemand Sven-Eric Bechtolf , qui a investi la scène lyrique à Salzbourg, Zurich ou Vienne, avec une belle trilogie Mozart/DaPonte, une Ariane à Naxos avec Kaufmann , un saisissant Don Carlo ou au Staatsoper un Ring complet, énergique et clair, il y aura dix ans et dont cette Walkyrie est issue.

On peut prolonger les plaisirs lyriques par la bouleversante production de Madame Butterfly que magnifieront les voix de Hui He en Cio Cio San et Roberto Alagna en Pinkerton. La mise en scène du cinéaste Anthony Minghella, créée en 2015 à Londres (avec son émouvante marionnette inspirée du bunraku japonais pour représenter l'enfant de Cio-Cio-San) est totalement investie par la grande cantatrice chinoise qui connaît bien le rôle et cette production. Et Alagna s'avère un des rares ténors à rendre touchant le peu sympathique Pinkerton.

Et ce bel avril peut se couronner d'un Barbiere di Siviglia et di qualità où le jeune et brillant ténor français Cyril Dubois fera la cour à la Rosine de Kate Lindsey sous l'égide du Figaro de Boris Pinkhasovitch, jeune baryton qui avait électrisé les Chorégies d'Orange lors d'une Nuit russe en 2018. Mais peut-être lui préférera-t- on Faust de Gounod pour s'émerveiller une nouvelle fois devant Juan Diego Florez dirigé théâtralement par Frank Castorf qui a signé, faut-il le rappeler, et avec quelle intelligence, le Ring du bicentenaire à Bayreuth. Castorf, Flores, de Billy à la baguette : un grand moment en perspective.

Si vous préférez d'autres saisons, en décembre, Werther va de soi avec le couple élégantissime que constituent Piotr Beczala, et la mezzo française Gaëlle Arquez, désormais dans la cour des très grandes. Mise en scène et direction (Andrei Serban, Bertrand de Billy) garantissent l'émotion et la subtilité qui doivent servir au mieux le chef d’œuvre de Massenet.

Préférera-t-on des plaisirs plus corsés avec la Tosca d'Anna Netrebko et Yusif Eyvazov, (couple à la scène comme à la ville) ou attendra-t-on janvier pour le même Puccini avec Sonya Yoncheva, et Roberto Alagna, toujours dans la mise en scène luxueuse de Margarethe Wallmann qui n'a rien perdu de son lustre et de son efficacité dramatique après bien des années (elle date de1958). En mai, Floria Tosca sera la sublime Anja Harteros qui enflammera le Mario de Massimo Giodano et le Scarpia de Luca Salsi.

L'hiver viennois (janvier février) sera réchauffé par la Carmen de Calixto Bieito avec l’enivrante Anita Rachvelishvili que se disputeront Charles Castronovo et Erwin Schrott.

On aimerait, en février encore, applaudir la Cenerentola de Marianne Crebassa (mezzo française qui monte, qui monte, qui monte) séduisant sans coup férir son Prince Edgardo Rocha avec la complicité magique de Luca Pisaroni (Alidoro) sous la direction vive de Gianluca Capuano.

Il faut voir un Strauss à Vienne. Parmi les quatre proposés, on choisit en mars Ariane à Naxos (Ariadne auf Naxos) avec Lise Davidsen dans le rôle titre et en Primadonna, le Bacchus/ Ténor de Brandon Jovanovich, la Zerbinetta d'Erin Morley, sous la baguette élégante de Bertrand de Billy, très sollicité et on s'en réjouit. La soprano norvégienne est déjà une immense artiste encore en devenir, qui fait sensation partout par l'ampleur de sa voix, la longueur du souffle, la beauté du timbre et Richard Strauss lui va comme un gant. Lise Davidsen à Vienne dans Richard Strauss, la promesse d'un grand bonheur.

En mars encore, on ira entendre et voir la Traviata dans une mise en scène inaugurée à Bastille signée Simon Stone très actualisée et diversement appréciée avec une Violetta mannequin en vogue. Pretty Yende, déjà Violetta à Paris et le beau ténor canadien Frédéric Antoun vont enfiévrer la salle du Staatsoper.

Qui dit Vienne dit Mozart ! Dès lors s'imposera La Flûte enchantée avec le noble Sarastro de René Pape, la Reine de la Nuit lumineuse de Devieilhe, l'exquise Pamina de Regula Mühlemann et le Tamino du jeune ténor chinois Long Long. 

En mai nous céderons au charme maléfique des Contes d'Hoffmann, d'autant plus que le jeune poète sera Juan Diego Florez, ses « méchants » Erwin Schrott, et son Olympia, Sabine Devieilhe, dans la mise en scène toujours diablement efficace d'Andrei Serban. 

Et nous irons aux sources de l'opéra ou presque (1643) écouter Monteverdi et le Nerone de Kate Lindsey couronnant la Poppea de Slavka Zamecnikova sous les yeux jaloux de l'Ottone du contreténor catalan Xavier Sabata.

Ceux qui n'auront pas entendu sa Tosca attendront fébrilement juin pour applaudir Anna Netrebko dans un de ses meilleurs rôles désormais, celui de Lady Macbeth face à Luca Salsi, dirigés par Philippe Jordan dans la mise en scène très attendue d'un des plus doués dramaturges actuels Barrie Kosky. On couplera ce Macbeth avec le Lohengrin de Klaus Florian Vogt idéal héros wagnérien qui clôturera sur les cimes la saison 2021. 

En attendant ces jours meilleurs, exprimons notre solidarité totale envers les musiciens, les artistes, les artisans, les techniciens, les administratifs qui préparent nos joies de demain et que le confinement et la crise sociale auront durement éprouvés. Vive le spectacle vivant ! 

JJ pour weOpera

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